Sous les yeux que quelques minutes épuisent, Hélène Giannecchini, écrivain, historienne de la photographie, critique, commissaire.

" Sous les yeux que quelques minutes épuisent
Les paysages sont suspendus, les personnages isolés un pas en retrait de la scène où la photographie se déroule. Dans les images de Clara Chichin, vous croisez des daims, une chevelure rousse qui entre dans une forêt, la houle réduite à son écume, la lumière qui éclabousse le dormant d’une fenêtre, un oiseau chuter, des étreintes et des arbres immenses.
 

Ses photographies sont traversées et jointes par un même flou, un tremblement que l’on ressent comme une fragilité. Les couleurs ne sont jamais exactement celles du monde, les formes incertaines peinent à affirmer leurs contours. Le choix du traitement croisé infléchi le réel, les teintes sont à lisière de la fiction.
 

Dans la série « Sous les yeux que quelques minutes épuisent », la photographe laisse son oeil se briser contre l’instant. Rien n’est figé, les photographies troublées frémissent et trahissent l’impossibilité de l’image à s’emparer d’un instant parfaitement intact. Le regard s’anéantit dans un écoulement qu’il ne parvient pas à circonscrire. Les photographies sont en train de disparaître, n’en reste que l’écho, une persistance rétinienne. 

Cette série composée de dormeurs, de paysages troublés, de clartés qui fendent la surface sensible inspire une tristesse claire. Pas de mise en scène ou de lumière trop composée ; la simplicité de ce travail lui confère une élégance qui s’affirme au détour d’images fugitives. Comme en poésie, c’est le rythme entre les formes, les respirations blanches et les accents noirs qui font résonner les images."

Hélène Giannecchini, écrivain, historienne de la photographie, critique, commissaire. Auteur de l’ouvrage Une image peut-être vraie. Alix Cléo Roubaux (ed Seuil, collection la librairie du XXIème siècle.)